Tours



Au moment où Martin devint évêque de Tours, la ville se nommait Caesarodunum et groupait ses constructions sur la rive gauche de la Loire, dans une enceinte gallo-romaine d’un kilomètre, une des plus petites de la Gaule, correspondant à l’actuel quartier de la Cathédrale. L’agglomération de la cité se trouvait en dehors de ces étroites limites. Un grand nombre de maisons de campagnes, de villas, de domaines ruraux, s’élevaient au milieu de vergers, de prés et de vignes.


La Cathédrale




L’église épiscopale (Ecclesia prima) a été bâtie par Lidoire (337-371), deuxième évêque de Tours, à l’emplacement de la cathédrale actuelle. C’est là que Martin fut élu évêque de Tours le 4 juillet 371, après son enlèvement de l’Abbaye de Ligugé par les Tourangeaux, qui souhaitaient Martin pour évêque. Cependant, à la vue dudit Martin, quelques-uns des évêques qu’on avait mandatés pour procéder à l’ordination, firent à cet élu du peuple un accueil assez froid. C’était donc là ce fameux thaumaturge ? Un homme d’une cinquantaine d’années, mal peigné et misérablement vêtu, l’air d’un brigand, plutôt que d’un évêque. Ils n’étaient pas loin de renvoyer ce personnage à son ermitage poitevin. Parmi eux, l’opposition de Defensor, l’évêque d’Angers, se fit vive. Cet homme-là ne pouvait pas faire un évêque ! Si tous les autres acceptaient le vœu saugrenu de la population, lui s’y opposerait. Mais les choses se passèrent autrement, et voici dans quelles circonstances fut confondue en public l’obstination de l’évêque Defensor.

Il advint qu’à la messe à laquelle assistaient les évêques assemblés, et sans doute Martin, le clerc qui devait lire à haute voix en fut empêché par la foule. Un diacre saisit le Psautier et lit le premier verset sur lequel tomba son regard. C’était le troisième verset du Psaume VIII « Par la bouche des petits enfants qui ne parlent pas encore et qui sont à la mamelle, tu fais éclater ta puissance contre tes ennemis, tu domptes l’ennemi et le défenseur ». À ce mot de defensorem, une clameur s’éleva et le plus acharné des évêques, Defensor, fut confondu et réduit au silence, vaincu. La déroute se mit dès lors dans le camp des opposants et Martin fut proclamé évêque de Tours. C’était, suivant l’usage établi, un dimanche. Le 4 juillet devint ensuite la fête de l’ordination de saint Martin.
C’est également à cet endroit qu’eut lieu la scène du Globe de feu : l’évêque, renouvelant le geste de la porte d’Amiens, revêtit un pauvre de sa tunique, et dut porter sous son aube une grossière tunique que l’archidiacre avait achetée quelques deniers pour célébrer la messe. Au moment de bénir l’autel, seuls un des prêtres et trois moines virent jaillir de la tête de Martin un globe de feu qui s’éleva dans les airs avec un rayonnement lumineux. Un tableau d’Eustache Le Sueur représentant cette scène se trouve au musée du Louvre.


L’église primitive comportait deux sacristies, celle des clercs, et celle de Martin, qu’il aménagea en cellule au début de son épiscopat. Martin, très fidèle à l’idéal monastique, préféra loger dans cette cellule, plutôt que dans la domus ecclesiae. C’est là que l’on affluait de toutes parts pour écouter sa parole, recevoir ses avis, et lui demander ses prodiges.

Martin consacra cette première église de Tours sous le nom de Saint-Maurice. Après plusieurs destructions, la Cathédrale Saint-Gatien fut reconstruite en 1239, telle qu’elle apparaît aux visiteurs d’aujourd’hui.

Une chapelle dédiée à saint Martin comporte deux verrières consacrées à la vie du saint : des scènes d’exorcisme présentent saint Martin avec les attributs de l’évêque. Un autre médaillon évoque l’été de la Saint-Martin : le bateau transportant le corps de Martin et remontant la Loire jusqu’à Tours aurait laissé dans son sillage une faune et une flore estivales en plein mois de novembre. L’effigie de saint Martin partageant son manteau apparaît sur la clé de l’arc doubleau d’entrée de cette chapelle.

Une fresque représentant la charité de saint Martin se trouve derrière le tombeau des enfants de Charles VIII, un vitrail de saint Martin Evêque accueille le visiteur. Un tableau représentant la charité de saint Martin, daté de 1824, se trouve dans le retable du croisillon nord du transept de la cathédrale. Le tableau représentant l’Adoration de Saint Martin est exposé dans la cinquième chapelle sud de la cathédrale. Il représente saint Hilaire évêque de Poitiers donnant les ordres mineurs à saint Martin.


L’enceinte gallo-romaine 
En 904, la première incursion normande eut lieu à Tours. Les chanoines de saint Martin se réfugièrent avec la châsse de saint Martin à l’abri des remparts de la cité. L’attaque eut lieu en face du petit séminaire, entre la saillie de l’amphithéâtre et la Tour du petit Cupidon, au point où l’on remarque une poterne, une brèche réparée et les restes d’une tour démolie. Pendant que les hommes valides tenaient tête aux ennemis du haut des tours et des remparts, les clercs portèrent en procession la châsse contenant le corps de saint Martin auprès de l’endroit où le combat était le plus vif. Les Normands, furieux, se jetèrent sur la brèche pour pénétrer dans la ville. Les prêtres saisirent alors la châsse de saint Martin et s’avancèrent sur les remparts en face de l’ennemi. A cette vue, les Normands furent saisis de terreur et prirent la fuite. Les Tourangeaux, sortant par la brèche, en tuèrent un grand nombre et les poursuivirent jusqu’à Saint-Martin le-Beau. En mémoire de cet événement, on bâtit une église, Saint-Martin-de-la-Basoche, et on établit la fête de la « Subvention » de saint Martin, qui se fêtait chaque année le 12 mai. Une stèle célèbre toujours cet événement. On peut la voir en se rendant au Jardin des Archives départementales, rue des Ursulines, à Tours.

Marmoutier


En 372, un an après son accession à l’épiscopat, Martin, qui gardait la nostalgie de Ligugé, entreprit la création d’un grand Monastère. Il souhaitait d’une part trouver un lieu de retraite pour fuir les inconvénients de la popularité; d’autre part, il voulait fonder une école pour instruire les moines sur le modèle de Ligugé.

Marmoutier se trouve à trois kilomètres de Tours, sur la rive droite de la Loire : « Cette retraite était si écartée qu’elle n’avait rien à envier à la solitude d’un désert. D’un côté, en effet, elle était entourée par la falaise à pic d’une hauteur élevée, et le reste du terrain était enfermé dans un léger méandre du fleuve de Loire ; il n’y avait qu’une seule voie d’accès, et encore fort étroite. Martin occupait une cellule en bois ». C’est ainsi que Sulpice Sévère décrit Marmoutier. Bientôt, Martin se trouva à la tête d’une communauté de 80 clercs et laïcs, attirés par sa popularité. L’Abbaye de Marmoutier, Majus Monasterium (Grand Monastère) devint rapidement le plus célèbre Monastère de toute la Gaule.

La conception de Marmoutier était originale, car elle regroupait à la fois la demeure du moine évêque, le Monastère et le séminaire. Au départ, le Monastère se composait de grottes troglodytiques servant de cellules aux ermites. Le Monastère de Marmoutier continua à se développer avec les successeurs de Martin ; il fut particulièrement riche et florissant durant le Moyen-Age, avant une destruction presque totale des cloîtres et de l’église à la Révolution.

Aujourd’hui, il ne reste du Monastère que le Portail de la Crosse (beau portail de la fortification monastique du 11e siècle), la Tour des Cloches, la Maison du Prieur, la grotte dite des Sept Dormants (qui doit son nom à sept disciples venus de Hongrie qui suivirent Martin et qui moururent tous le même jour), la chapelle Saint Léobard, la grotte de saint Brice. Un précieux vestige demeure également, c’est le « Repos de Saint-Martin ». Le mur du transept nord de la grande église ogivale, avec trois arcades, supporte le lieu le plus vénérable de Marmoutier. La grotte a été ornée d’un autel surmonté d’un bas-relief représentant trois jeunes saintes. Sulpice Sévère raconte que Martin entendit un jour, derrière la porte close de sa cellule, le bruit d’une conversation, mais quand, après plusieurs heures, le saint sortit de la grotte, il était seul ! Alors il révéla à Sulpice Sévère que les vierges Agnès, Thècle et Marie l’avaient visité et s’était entretenues avec lui ! La tradition tourangelle veut que la mystérieuse Marie soit la Vierge Marie. Dans cette cellule, Martin reçut aussi la vision des apôtres Pierre et Paul.

Marmoutier est un lieu de mémoire européen situé sur les bords de la Loire, classée Patrimoine mondial de l’Unesco. Il est malheureusement fermé au public.


Basilique Saint-Martin



Troisième pèlerinage au monde après Rome et Jérusalem, le pèlerinage vers le tombeau de saint Martin de Tours, appelé gallicana peregrinatio est un des plus anciens pèlerinages de la Chrétienté occidentale, antérieur à Saint-Jacques-de-Compostelle.

Martin de Tours mourut le 8 novembre 397 à Candes-Saint-Martin. L’évêque de Tours fut ramené dans sa ville épiscopale trois jours après sa mort pour y être inhumé.

Le corps de Martin fut placé suivant l’usage du temps dans un sarcophage de pierre et enterré en pleine campagne, le long d’une voie antique, à cinq cents pas de la ville, suivant la loi romaine des Douze Tables : Hominem mortuum in urbe ne sepelito neve urito. Brice, successeur de Martin, bâtit sur ce tombeau une petite cellule couverte de paille et de jonc. Ce lieu paraissant indigne, Perpet fit construire une magnifique basilique, dédicacée le 4 juillet 472. Du fait de destructions successives, plusieurs basiliques furent reconstruites à l’emplacement même du tombeau.

Au 11e siècle, la basilique fut entièrement reconstruite après un incendie. Par ses dimensions (114 m de longueur et 24 m de hauteur sous voûte) et son ordonnance, elle préfigurait, un demi-siècle à l’avance, les grandes églises de pèlerinage, en particulier celle de Saint-Jacques-de-Compostelle. La Basilique fut totalement détruite à la Révolution. On retrouva ensuite des vestiges du tombeau de Martin en 1860, à l’origine de la basilique actuelle, construite par Victor Laloux de 1885 à 1925, dans un style romano byzantin. Dans la crypte, le Tombeau moderne enserre les pierres du vieux tombeau retrouvé. A l’intérieur du tombeau, on découvre la relique du Chef de Saint-Martin qui avait été précieusement gardée dans


La Cathédrale de Tours
Le culte de saint Martin s’est répandu à travers les siècles, notamment grâce à de nombreux princes et rois qui contribuèrent à sa gloire : c’est avant tout Clovis, qui, sur le seuil de la Basilique de Tours, prit l’engagement de se faire baptiser, et institua saint Martin le patron de la monarchie franque. À partir du règne de Dagobert, saint Martin fut, avec saint Denis, le patron de la famille royale. La « chape de saint Martin » était la relique la plus précieuse du trésor des souverains. Cela donna le nom de chapelle (capella) dès Charles Martel.

Au temps des Carolingiens, les pèlerinages royaux au tombeau de Tours continuèrent avec une affluence grandissante de visiteurs. Pépin le Bref y précéda Charlemagne, qui décréta que la saint Martin serait fête chômée dans tout l’empire. Sous les Capétiens, la plupart des rois vinrent encore vénérer ses restes. Saint Louis fit trois fois le pèlerinage de Tours et demanda que son lit de mort soit un lit de cendres, comme saint Martin.


La Martinopole (Vieux Tours)
Au 5e siècle, pour recevoir la multitude des pèlerins qui accouraient de toutes parts au tombeau, les moines de Saint-Martin bâtirent plusieurs hospices, dont l’un était destiné aux nobles, et un autre aux pauvres. Des hôtelleries particulières s’établirent aussi, ainsi que des activités de toutes sortes, à la fois artisanales et commerciales : des boutiques de changeurs, où les étrangers changeaient leur monnaie (en effet, parmi les privilèges les plus importants de l’Abbaye de Saint-Martin, était celui de battre monnaie : la Livre Tournois), des boutiques d’orfèvres, où l’on achetait des ex-voto, des vases sacrés et des images de plomb ou d’argent, des cordonniers, des tisserands… Plusieurs monastères d’hommes et de femmes, des oratoires, des églises, se bâtirent dans le voisinage à l’ombre de la basilique. Au 10e siècle, on ne comptait pas moins de vingt-huit églises autour de Saint-Martin. Ainsi se créa et grandit la Martinopole, c’est-à-dire la ville de Saint-Martin. De 904 à 918, la cité nouvelle s’entoura d’une enceinte fortifiée, et prit le nom de Château-neuf (Castrum Sancti Martini). L’extension de Châteauneuf se situe entre 1060 et 1100. C’était le véritable centre économique de l’ensemble tourangeau.


Tour Charlemagne – Tour de l’Horloge




Un peu d'histoire

Deux tours de la Basilique Saint-Martin ont survécu à la destruction ordonnée entre 1798 et 1802 : la Tour de l’Horloge, qui appartenait à la façade, et la Tour Charlemagne, tour nord du transept.


Le Musée Saint-Martin
Le musée Saint-Martin, qui côtoie les maisons canoniales du 15e siècle de la rue Rapin, est installé dans la chapelle Saint-Jean (13e siècle), dépendance du cloître de la basilique, vraisemblablement à l’emplacement du baptistère créé à la fin du 6e siècle par Grégoire de Tours. Le musée est le seul lieu qui conserve des vestiges des basiliques qui se sont succédé depuis l’origine. Fragments du tombeau du saint datant du 5e siècle, peintures murales provenant de la Tour Charlemagne (11e siècle) et du tombeau, décors et chapiteaux du 12e siècle, éléments architectoniques datant de la reconstruction du chœur au 12e siècle, sont autant de rappels des grandes étapes de l’histoire de l’architecture religieuse médiévale à Tours comme en France.


Ancienne chapelle du Petit-Saint-Martin (14e siècle)



Le corps de Martin ramené de Candes à Tours pour y être enterré aurait été, selon la tradition, déposé pendant quelques jours à l’emplacement de l’actuelle église, avant les funérailles qui se déroulèrent le 11 novembre. Remplaçant un oratoire élevé en souvenir de la déposition du corps de Martin, la Chapelle du Petit-Saint-Martin a été fondée par une Confrérie.